Insultes au sommet, interdiction des politiques d’inclusion, guerre au « wokisme »… la « broligarchie » revient aux fondamentaux de la domination masculine
La presse conservatrice parle d’« affrontement » ou de « passe d’arme » pour évoquer le pitoyable spectacle qu’ont donné les deux milliardaires de la high tech Elon Musk et Xavier Niel. Ces deux personnalités qui pèsent lourd sur la démocratie et la vie de leurs concitoyens grâce aux médias qu’ils possèdent, se sont livrées à un énième concours de zizi.
Les « bros » se chamaillent
Lors d’une interview sur France 2, Xavier Niel, a commencé par dire qu’Elon Musk était le « plus grand entrepreneur du monde» avant d’ajouter qu’il était « peut-être parfois un connard ». En réaction, Elon Musk a écrit sur X : « Ce type a été envoyé en prison pour avoir été un véritable proxénète avec un groupe de prostituées ! Laissez-moi rire»
Pour rester dans les enfantillages, Xavier Niel a répliqué : « On réglera ça au Lidl » en référence à un mème viral en France, où des confrontations se déroulent devant un supermarché Lidl.
Un nouvel avatar de la « broligarchie », cette alliance des « brothers », des frères, pour dominer le monde.
Musk et Niel, ces « bros » qui façonnent l’opinion avec leurs médias et réseaux sociaux sont un proche du président américain Donald Trump – qui fait des saluts nazis- et un businessman, qui a commencé sa fortune avec du minitel rose. S’il n’a pas été condamné pour proxénétisme, contrairement ce que semble dire Musk, Xavier Niel a été inquiété par la justice En 2004, il a été mis en examen et placé en détention provisoire pendant un mois, pour proxénétisme aggravé et recel d’abus de biens sociaux. Il a bénéficié, en août 2005, d’une ordonnance de non-lieu rendue en sa faveur pour le premier chef d’accusation. Mais, en octobre 2006, le patron d’Illiad a été condamné à deux ans de prison avec sursis et 250.000 euros d’amende pour la seconde charge qui pesait sur lui.
Fin des politiques d’inclusion
Cette affaire serait anecdotique si elle ne s’inscrivait pas dans un mouvement de de conservatisme masculiniste à grande échelle. Depuis la réélection présidentielle de Donald Trump, les politiques d’inclusion des grandes entreprises des Etats-Unis sont remises en question. C’est ce qu’a notamment annoncé le patron de Meta début janvier.
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Les entreprises se bousculent pour annoncer la fin de leur politique de les ressources humaines DEI, pour diversity, equity and inclusion (« diversité, équité et inclusion »). Après Disney, McDonald’s, Ford, Meta c’est au tour d’Alphabet, maison mère de Google, qui emploie plus de 180.000 personnes dans le monde, de faire un bras d’honneur à des progrès chèrement acquis.
Stéréotypes chez Disney
L’impact de la fin des politiques d’inclusion chez Disney va avoir des répercussions mondiales compte tenu de la diffusion des productions de la firme. En 2019 elle avait mis en place des alertes mettant en garde contre les stéréotypes sexistes et racistes qui pouvaient se glisser dans ses vieux films. Elle avait même renforcé ses messages l’année suivante en invitant le public à discuter, contextualiser et prendre du recul sur ces stéréotypes… Fini ! Il n’y aura plus d’avertissements avant les films mais une discrète phrase dans la description de l’œuvre. L’ambition de « ré-imaginer Demain » que s’était donné Disney pour «amplifier les voix sous-représentées » n’existe plus.
« L’abrogation Woke »
Et ce n’est pas tout ! Dans sa guerre contre ce qu’il appelle le wokisme, c’est-à-dire les politiques d’inclusion, les femmes ou le climat, Trump a banni de nombreux termes des sites de la Maison-Blanche et d’autres publications. « LGBT » est honni du président tout comme « femme », « préjugé » et « diversité ». Et bien sûr « changement climatique », « émissions de gaz à effet de serre », « justice environnementale »… Le Washington Post a extrait d’une note interne une liste des 120 mots bannis, qui peuvent notamment empêcher certaines organisations d’obtenir des subventions. Le mémorandum baptisé « l’abrogation Woke » supprime tout programme ou financement lié à l’activisme climatique, à l’égalité des sexes, ou encore aux études sur les minorités.
Boy’s clubs décomplexés !
La tendance qui se dessine aux Etats-Unis pourrait aussi couper les ailes de tous ceux qui avaient commencé à faire bouger les lignes de la suprématie des hommes en Europe aussi. Si les pannels 100% masculins dans les lieux de pouvoir commençaient à être parfois un peu honteux -depuis que des voix comme #JamaisSansElles infiltrent le milieu de la high tech notamment- il sembleraient qu’ils redeviennent totalement décomplexés. Lors du sommet de l’IA de Paris, une tribune dans Marianne se préoccupait de la « souveraineté numérique» de la France (pas d’ethique ou de démocratie.. de souveraineté). Et cette tribune était signée par 24 hommes et zéro femmes !
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