Simple tentative de baiser selon Dominique Strauss-Kahn, tentative de viol selon Tristane Banon…. agression sexuelle, donc prescrite, a tranché le parquet. Fin d’un épisode judiciaire, pas des difficultés de la justice à traiter ce genre d’affaire.
Dominique Strauss-Kahn devra vivre avec « un statut d’agresseur sexuel non jugé ». C’est ainsi que l’avocat de Tristane Banon analyse la décision du parquet de Paris de classer sans suite la plainte pour « tentative de viol » de la romancière contre l’ex-patron du FMI. Les faits remontaient à 2003. Si le parquet ne peut engager de poursuite sous ce chef, « faute d’éléments suffisants » , il considère que « des faits pouvant être qualifiés d’agression sexuelle » sont « reconnus », mais aujourd’hui prescrits. Si le viol est un crime, qui peut être poursuivi pendant 10 ans, l’agression sexuelle est un délit et dès lors prescrit trois ans après les faits. Tristane Banon aurait dû porter plainte en 2006 au plus tard.
Des associations féministes, aussitôt, se sont emparées de ce décalage entre les délais de prescription pour réclamer un changement de la loi. « Parce qu’il faut du temps pour se reconstruire, pour oser en parler et aller déposer plainte et parce qu’il est injuste que ce délit, pour une question de délai, reste impuni », l’association Paroles de femmes demande que le délai de prescription de l’agression sexuelle soit relevé à dix ans, comme celui du viol. « Trois ans c’est très court », renchérit Françoise Brié, directrice générale de la Fédération Nationale Solidarité Femmes, qui gère le numéro d’appel 3919 sur les violences conjugales.
Les règles de la loi
La défense de Dominique Strauss-Kahn juge à l’inverse exagéré le qualificatif d’agression sexuelle. L’ex-patron du FMI, selon sa version, a tenté d’embrasser la romancière en 2003, essuyé un refus et en est resté là. En estimant que, ce faisant, « il serait susceptible d’avoir commis une agression sexuelle, le parquet exprime une conception de l’agression sexuelle qui paraît dictée par les circonstances, les pressions et le tapage, davantage que par les principes et règles résultant de la loi et de la jurisprudence », dénonce son conseil Me Frédérique Beaulieu.
Selon la loi, une agression sexuelle est définie par la « violence, contrainte, menace ou surprise ». Mais rien ne dit que le parquet, qui n’a pas détaillé son argumentaire, estime que les « faits pouvant être qualifiés d’agression sexuelle » s’arrêtent à cette seule tentative de baiser volé relatée par DSK. Il peut tout autant avoir pris en compte le récit de Tristane Banon qui parle d’agression, de lutte.
Ces batailles d’interprétation traduisent le flou dans lequel baignent ces notions. D’autant que les « règles résultant de la loi et de la jurisprudence » invoquées par la défense de DSK n’aident justement pas à libérer la parole des victimes. Souvent, les décisions « sont des blancs-seings pour les auteurs de violences », estime la juriste Catherine Le Magueresse, pour qui le droit doit redéfinir la question du consentement.