« Le professeur était amoureux » : c’est le titre d’un article d’un grand quotidien régional rapportant la condamnation d’un homme pour harcèlement sexuel.
Nous sommes en 2022 et dans son édition du 31 mai, le quotidien régional la Montagne décide, en un titre, de déculpabiliser un harceleur sexuel qui vient d’être condamné à six mois de prison avec sursis et à 5000 euros d’amende pour harcèlement sexuel.
« Le professeur était amoureux » est un nouveau cas d’« immunité amoureuse » selon l’expression de Natacha Henry. Par la magie d’un titre de journal, le harceleur, qui a poussé sa victime à la démission et à la dépression, devient un homme romantique. Une bluette remplace le récit d’une décision de justice portant sur des faits sordides.
Si le sur-titre (écrit en tout petit) dit bien : « un praticien du CHU condamné pour harcèlement sexuel », le gros titre ne parle que de l’homme amoureux. Et l’article déroule longuement les galons du grand professeur de médecine. Il parle aussi des relations cordiales qui ont été entretenues entre ce professeur de 62 ans et la secrétaire âgée d’une trentaine d’années, au début de leur collaboration… Avant que le professeur ne la bombarde de messages. Mais La Montagne écrit pudiquement qu’elle « reçoit des textos pour le moins inattendus » avant de préciser que « l’intensité des SMS, souvent envoyés en soirée ou le week-end va augmenter ». Les messages reproduits dans le quotidien ne sont pas grossiers, mais très insistants et nombreux, et ne laissent aucun doute sur l’envie du professeur d’avoir des relations sexuelles avec sa proie.
Et la victime du harcèlement ? Son calvaire est à peine effleuré dans l’article. On apprend qu’elle a adressé des réponses « polies mais sans équivoque ». Elle s’est manifestement torturé l’esprit pour essayer de rétablir des relations de travail correctes. Mais, écrit La Montagne, « elle choisit de cesser la collaboration » et d’aller travailler dans un autre service. Est-ce vraiment un choix ? Quelle pouvait être l’alternative pour retrouver la sérénité ? L’article apprend aussi qu’elle est en arrêt maladie depuis un an…
Puis le propos se focalise à nouveau longuement sur la plaidoirie du professeur condamné qui dit notamment avoir péché par naïveté… Un homme romantique qui a exprimé des sentiments, nous dit le journal !
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