Une étude pointe un « exode silencieux » des femmes qui renoncent à l’emploi outre-Atlantique. Baisse des salaires et coûts de garde des enfants élevés, fin de la flexibilité instaurée pendant la pandémie, IA supprimant des métiers féminisés, « bro-culture »…
Depuis le début de l’année 2025, 338 000 femmes ont quitté le marché du travail aux États-Unis, tandis que 183 000 hommes y sont entrés. C’est ce que révèle une analyse publiée sur le site du Korn Ferry Institute, intitulée « A Potential Exodus of Working Women? » Les femmes quittent le marché du travail à un rythme très élevé, et les statistiques officielles sur le travail aux États-Unis font craindre que cette tendance ne fasse que commencer.
Pusieurs explications sont avancées. Des problèmes systémiques tels que des salaires plus bas pour les femmes et des coûts élevés de la garde d’enfants compromettent de nombreux acquis. « En tant que salariées moins bien rémunérées, ce sont généralement les femmes qui abandonnent leur emploi pour s’occuper de leurs enfants », rappelle Alina Polonskaia, partenaire senior chez Korn Ferry.
La suppression des politiques de travail flexible instaurées pendant la pandémie n’a rien arrangé. Le retour forcé au bureau, pèse davantage sur les mères qui finissent parfois par renoncer à leur emploi.
L’intelligence Artificielle (IA) a un impact plus grand sur les rôles et les fonctions traditionnellement occupés par les femmes que ceux occupés par des hommes. L’IA allège et supprime du travail dans des postes administratifs, la vente au détail ou les ressources humaines.
« Retour de la culture machiste »
Et tous ces phénomènes baignent dans une vague de « retour de la culture machiste ». Selon Alina Polonskaia, un style de leadership autoritaire, basé sur le commandement et le contrôle, a fait son retour dans le monde de l’entreprise. La « bro-culture », qui n’en finit pas de s’imposer avec le président Trump, fait de gros dégâts. (lire : « Énergie masculine » : les faiseurs d’opinion prennent le virage trumpiste à pleine vitesse )
Et le président des Etats-Unis banni les politiques diversité et Inclusion (DEI) que les entreprises avaient lancées (lire : Pas de discrimination = pas de business avec le pays de Trump ?)
Coup d’arrêt des progrès
Cet « exode silencieux » révèle, selon Korn Ferry, une tendance lourde : la fragilisation de la place des femmes sur le marché de l’emploi. Le ralentissement des progrès réalisés par les femmes ces dernières années est de plus en plus net. Après avoir connu une bonne progression au début de la décennie, les efforts visant à promouvoir les femmes s’émoussent. Le pourcentage de femmes nouvellement nommées à des postes de direction a baissé depuis 2023, par exemple. Seulement 17 % des nouveaux PDG des entreprises du S&P 500 (indice boursier des entreprises cotées aux Etats-Unis) nommés l’année dernière étaient des femmes. D’autres données montrent que les promotions sont de moins en moins attribuées à des femmes.
Du coup, de plus en plus de femmes se tournent vers l’entrepreneuriat pour gagner leur vie. Près de 50 % des nouvelles entreprises créées aux États-Unis depuis la pandémie l’ont été par des femmes.
Si l’étude porte sur les États-Unis, les dynamiques qu’elle décrit dépassent leurs frontières. En Europe aussi, les débats autour du télétravail, des services de garde et de l’impact de l’IA sur l’emploi posent la question. Les menaces de Trump, de ne plus travailler avec des entreprises ayant mis en place des politiques de DEI portent leurs fruits. Les timides ardeurs des entreprises françaises engagées dans cette voie s’essoufflent vite. Et la « gender fatigue » fait des ravages (lire : « Gender fatigue » : les dirigeants crient avant d’avoir mal ).