La justice a attendu la diffusion d’un documentaire pour enquêter sur la responsabilité du meurtrier de Marie Trintignant dans la mort de Krisztina Rady. Nouvelle démonstration de l’influence des médias sur la justice et sur le féminisme. Pour le pire comme pour le meilleur.
Le parquet de Bordeaux a décidé de rouvrir, mercredi 23 juillet 2025, l’enquête pour « d’éventuels faits de violences volontaires » commis par le chanteur Bertrand Cantat avant la mort de son ex-épouse Krisztina Rady, retrouvée pendue chez elle le 10 janvier 2010.
Et le procureur de la République de Bordeaux, Renaud Gaudeul, a précisé jeudi que cette décision, 15 ans après les faits, faisait suite à la diffusion d’un documentaire de Netflix, « Le Cas Cantat » diffusé en mars dernier
Bertrand Cantat avait été condamné pour le meurtre de Marie Trintignant en 2003. Sa peine avait été écourtée et, en accord avec la justice, il était allé vivre chez son ex-épouse à sa sortie de prison.
« Changement radical de position du parquet de Bordeaux »
Plusieurs demandes de réouverture de l’enquête concernant la mort de Krisztina Rady, avaient pourtant été faites depuis 12 ans. « Trois autres procédures subséquentes » avaient été ouvertes en 2013, 2014 puis 2018, a fait savoir Renaud Gaudeul. Yael Mellul, avocate spécialiste des violences faites aux femmes, présidente de l’association féministe Femmes et Libres et ancienne avocate du dernier compagnon de la victime, estimait que l’enquête initiale, qui a conclu au suicide, avait été menée trop rapidement. Dès 2014, elle réclamait la reconnaissance d’un suicide forcé. Elle avait notamment demandé la réouverture de l’enquête avant de porter plainte, demande finalement classée sans suite par la justice. Puis elle avait déposé une nouvelle plainte en 2018 pour le même motif. Outre le dossier en recherches des causes de la mort ouvert après son décès au domicile.
Jointe par l’AFP, Yael Mellul a déclaré être « très soulagée » du « changement radical de position du parquet de Bordeaux » sur cette « affaire de suicide forcé. » Une notion que la justice rechigne à prendre en considération.
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Renaud Gaudeull estime que le documentaire dévoile « plusieurs affirmations et témoignages ne figurant pas » dans les quatre procédures. Le témoignage anonyme d’un infirmier serait un élément nouveau qui montrerait que Krisztina Rady était victime de violence conjugale de la part de Bertrand Cantat. Pourtant, de nombreux éléments figurant dans les plaintes précédentes montraient déjà des faits de violence conjugale (dont chantage au suicide). Notamment un message de détresse envoyé par Krisztina Rady à ses parents. Et le meurtre de Marie Trintignant ne plaidait pas en faveur de Bertrand Cantat.
Quand les médias bougent…
Mais les temps ont changé depuis #MeToo. Les médias, puis maintenant la justice, acceptent d’ouvrir les yeux sur la violence des hommes même lorsqu’ils sont des stars.
Dans les années 2000 les grands médias prenaient le parti de ces hommes violents. Les féministes avaient beau s’époumonner pour dire de cesser de les ériger en héros, c’étaient elles que ces médias tournaient en dérision.
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Cette compassion mêlée d’admiration envers ces hommes violents de la part des médias a duré très longtemps.
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Sur ces sujets, les médias ont beaucoup de mal à se remettre en question.
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Et bien évidemment, faire financer et diffuser des enquêtes journalistiques présentant un autre point de vue que cette complaisance envers la violence masculine a toujours été compliqué.
Pourtant, cette affaire montre clairement que les médias, et l’argent des médias, influencent la justice. Si Netflix n’avait pas financé le documentaire Le Cas Cantat l’enquête aurait-elle été rouverte ?
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