Un rapport sénatorial « stupéfiant » pointe l’ampleur et le faible contrôle des aides publiques distribuées aux entreprises. Mais il omet de vérifier si les fonds publics bénéficient autant aux femmes qu’aux hommes. L’éga-conditionnalité est encore ignorée. Stupéfiant !
Stupéfaction ! c’est le mot qui revient le plus souvent pour évoquer le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur les aides publiques aux entreprises présenté mardi 8 juillet. C’est d’ailleurs ainsi que le rapporteur Fabien Gay (Parti communiste) qui présentait ce travail avec le président Olivier Rietmann (Les Républicains) a commencé. « Ce qui nous a stupéfait… est que l’administration est incapable de dire combien elle donne, à qui et à quoi cela sert »
Alors ils ont fait eux-mêmes les comptes. Selon le rapport, pour 2023, le coût total des aides publiques aux entreprises s’élève à, au moins 211 milliards d’euros, soit le plus important budget de l’État français (ventilé en dépenses fiscales, allègements de cotisations sociales, soutien de la Banque publique d’investissement et subventions directes). Et les aides accordées par les collectivités et l’Union européenne, difficiles à estimer, ne font pas partie des 211 milliards.
Stupéfaction à géométrie variable
Mais aucune stupéfaction ne s’exprime concernant la destination genrée de ces aides publiques incontrôlées. Ces aides bénéficient à des entreprises dirigées par des hommes, sur des métiers majoritairement occupés par des hommes.
Pendant que les entreprises du secteur du « care » peinent à être financées ; pendant que des associations, qui assurent des mission de service public, tirent des sonnettes d’alarme… des entreprises privées dépensent sans compter l’argent public. Et ces actrices des services publics se plient à des contrôles draconiens. L’argent public coule à flot pour les entreprises masculines, pas pour les entreprises et services indispensables, qui emploient beaucoup de femmes.
L’argument des dirigeants pour engloutir cet argent public est pourtant l’emploi. Outre les représentants de l’Etat et des administrations, 33 dirigeants d’entreprises ont été audités pour ce rapport. Ils ont justifié les aides par le soutien à l’emploi. Mais le rapport note de nombreux plans sociaux, des délocalisations ou le versement de dividendes élevés aux actionnaires de la part des entreprises bénéficiaires de ces généreuses aides publiques.
Préconise des aides conditionnées à tout sauf à l’égalité femmes hommes
Le rapport du Sénat appelle à une gestion plus rigoureuse, transparente et conditionnée des fonds publics, afin d’en faire un véritable levier de politique industrielle et d’emploi. Mais il n’évoque pas des conditions de politiques d’égalité femmes -hommes pour bénéficier des aides. La budgétisation sensible au genre ? Connait pas.
Les multiples appels féministes à l’égaconditionnalté des financements publics ne sont pas entendus par les pouvoirs publics. En 2022, par exemple, un rapport du Haut conseil à l’égalité appelait une nouvelle fois les candidats aux élections législatives à évoluer : « Pas d’argent public sans égalité. Plaidoyer pour un financement public au service de l’égalité ». Ces appels ne sont pas parvenus aux oreilles des sénateurs qui ont produit ce rapport stupéfiant…
Lire : Nouveau plaidoyer du HCE pour l’éga-conditionnalité des financements publics
La question de l’égalité femmes-hommes est complètement absente du rapport. 33 dirigeants des plus grandes entreprises françaises ont été auditionnés (LVMH, CMA-CGM, Kering, Danone, Orange, EDF, Airbus, Carrefour, TotalEnergies, etc.). Mais le rapport ne précise pas explicitement combien de ces entreprises sont dirigées par des femmes.
Deux des rares femmes dirigeant une entreprise du CAC40 ont été auditées : Christel Heydemann, directrice générale d’Orange et Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie. Mais ces deux femmes restent des exceptions à la règle d’une économie encore dirigée par et pour les hommes. Stupéfiant !
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