En interprétant avec un zèle suspect un règlement européen, les plateformes boutent hors de la Toile bien des messages féministes. Alors les combats féministes vont se faire voir et entendre ailleurs que sur les réseaux sociaux.
« Nous allons disparaître » prévient la Fondation des femmes sur les réseaux sociaux. « Meta a décidé de bloquer les publicités sur les « enjeux sociaux ». Les droits des femmes en font partie. Nos contenus sont plus invisibilisés que jamais. » La Fondation des femmes appelle les internautes à communiquer leurs adresses email pour rester en lien. (Et à participer au concert « Nos voix pour toutes » le 19 novembre).
Excès de zèle
Et cette association n’est pas la seule à devenir invisible sur la Toile. En cause : l’interprétation très large, par les plateformes, du règlement européen sur la Transparence et le ciblage de la publicité à caractère politique (TTPA) qui vise à lutter contre la propagande en ligne. Sur la base de cette interprétation, Meta et d’autres plateformes, s’autorisent à suspendre ou supprimer bien des messages d’organisations d’intérêt général.
Les mouvements féministes trinquent. Cette décision des plateformes s’ajoute à une tendance à invisibiliser des messages contenant des mots et expressions utilisés par les féministes. Et une tendance à effacer des conteus suite à des signalements abusifs. Nous vous en parlions ici : Réseaux sociaux : les algorithmes invisibilisent les messages féministes. Et ici : Trop de voix féministes disparaissent du paysage médiatique.
Ils confondent « propagande en ligne » par des « fonds obscurs » et « enjeux sociaux »
L’excès de zèle des plateformes pourrait bien être une manœuvre pour supprimer le nouveau règlement européen. Leur interprétation du texte est très éloignée de l’intention du législateur.
L’association France Générosités a essayé de comprendre et explique que « Meta définit les enjeux sociaux comme « des sujets sensibles suscitant de nombreux débats » qui peuvent être émis par des militant.es, des marques, des organisations politiques ou des groupes à but non lucratif.» Et ajoute que la plupart de ses associations partenaires entrent dans ce champ…
Le site d’information Euractiv rappelle les intentions du nouveau règlement : « un responsable de la Commission européenne a insisté sur le fait que la nouvelle loi — entrée en vigueur le 10 octobre — « n’interdit pas les publicités politiques » et n’en règlemente pas le contenu. « Elle introduit simplement des exigences de transparence et de responsabilité pour les activités qui ont un impact sur nos processus démocratiques clés », a-t-il précisé. »
La commission a rappelé « des lignes directrices. Un message politique publié par un parti politique sur les réseaux sociaux ne nécessite pas d’étiquette ou de mention de transparence, mais la responsabilité s’applique si des ‘opérateurs économiques’ sont impliqués. » Euractiv cite un député rappelant que la loi avait été faite pour « lutter contre les « fonds obscurs« , la désinformation et l’ingérence étrangère dans les démocraties européennes. »
Remplacer les réseaux sociaux par les emails
Mais les plateformes éliminent les messages « à enjeux sociaux »… Ainsi, la porte qui s’était ouverte grâce à la parole féministe quand les réseaux sociaux sont apparus, se referme. Au commencement de ces outils de médiatisation, les féministes ont pu s’exprimer sans le filtre des grands médias. Elles ont même fait bouger les journaux à la papa en les interpellant lorsqu’ils produisaient des titres problématiques pour évoquer des violences sexistes ou sexuelles. (Des titres pleins de compassion pour les agresseurs comme « amoureux éconduit », « drame passionnel »…) Cette période d’ouverture de la parole publique a permis l’éclosion de #MeToo qui a permis des bonds dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
A l’époque, les membres des réseaux sociaux pouvaient voir les messages des personnes et organisations qu’elles et ils avaient décidé de suivre et réciproquement. Aujourd’hui c’est terminé. Chacun.e voit les messages que l’algorithme des plateformes veut lui montrer. Et ne voit pas ce que ces plateformes veulent lui cacher. Les messages « à enjeu social » désormais disparaissent. Les messages féministes en font partie.
Se faire voir ailleurs
Face aux nouvelles politiques des plateformes, les médias et mouvements féministes vont devoir se faire voir ailleurs que sur les réseaux sociaux. Comme la Fondation des femmes, nous vous invitons à nous communiquer votre adresse mail pour continuer à voir nos informations. En vous inscrivant ici pour recevoir notre newsletter une fois par semaine.
Et vous pouvez aussi relire la fin de cet article pour comprendre pourquoi LesNouvellesNews.fr a besoin de votre soutien : Trop de voix féministes disparaissent du paysage médiatique.
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