Après un séisme en Afghanistan, les secouristes n’ont pas pu apporter les soins nécessaires aux femmes victimes. En cause ? La loi des talibans qui interdit aux femmes le contact physique avec un homme qui n’est pas de leur famille. La charia passe avant la santé et la vie des Afghanes.
Le sexisme tue les femmes en Afghanistan. Dans la nuit du 31 août 2025, un séisme est survenu dans les provinces de Nangarhar, Laghman et Kounar, situées dans l’est du pays. Le gouvernement taliban comptabilise 2 205 morts et 3 640 blessés. Des chiffres « provisoires » selon l’ONU à Kaboul puisque des victimes n’ont toujours pas été retrouvées sous les décombres des maisons détruites. Mais à cette catastrophe naturelle, s’ajoute un crime sexiste de masse.
Les Afghanes abandonnées sous les décombres
Une enquête du New York Times, publiée le 4 septembre, a révélé que les femmes et les filles n’avaient pas pu être immédiatement secourues comme l’ont été les victimes masculines. Pourquoi ? La loi des talibans, qui appliquent une interprétation stricte de la charia, interdit aux femmes de toucher physiquement un homme qui n’est pas de leur famille, et ce, même en cas d’urgence.
« Ils ne se sont pas occupés des femmes et des adolescentes, dont certaines perdaient du sang. Ils nous ont rassemblées dans un coin et nous ont laissées là », rapporte une villageoise afghane au New York Times. D’autres témoignages confirment ce scandale. Un volontaire, présent dans la province de Kounar, précise que l’équipe médicale était majoritairement composée d’hommes. « Ils hésitaient à sortir les femmes des décombres des bâtiments effondrés. Coincées et blessées, elles étaient abandonnées sous les pierres, attendant que des femmes d’autres villages arrivent sur place pour les dégager », détaille-t-il.
Interrogées par le journal Le Monde, plusieurs ONG présentes sur les lieux indiquent que les responsables locaux ont priorisé le respect des règles de la charia plutôt que d’apporter le plus rapidement de l’aide à toutes les victimes. Dans certaines zones sinistrées, les ONG n’ont même pas pu accéder aux camps réservés aux femmes, rapporte l’article du Monde. Cette discrimination, basée sur le genre, se poursuit au sein des hôpitaux, où l’accès aux soins est réduit pour les femmes, puisqu’elles ne peuvent être soignées que par des femmes.
Si le nombre de victimes de sexe féminin reste pour le moment inconnu, l’Organisation Mondiale de la Santé a sommé les autorités talibanes de lever les restrictions imposées aux travailleuses humanitaires afghanes. Un appel resté sans réponse.
Les femmes effacées de la sphère publique
Depuis leur retour au pouvoir le 15 août 2021, les talibans ont effacé les femmes de la sphère publique et ont imposé un apartheid de genre en Afghanistan. Les droits et les libertés des femmes ont été réduits à néant. Depuis quatre ans, plus de 2,2 millions de filles ont été privées d’enseignement secondaire et supérieur, selon l’ONU. Les femmes ont désormais interdiction de chanter, de réciter de la poésie et de lire à voix haute en public. Elles ne peuvent pas non plus voyager sans être accompagnées d’un homme.
Autre restriction : depuis le mois d’avril 2023, les femmes n’ont plus le droit de travailler pour les organes des Nations Unies en Afghanistan. Une règle qui a fortement contribué à priver de soins les femmes et les filles victimes du séisme. En décembre 2024, l’émir Haibatullah Akhundzada, chef suprême des talibans, va encore plus loin et exprime sa volonté d’imposer la fermeture des ONG nationales et étrangères qui emploient des femmes afghanes. En outre, les femmes n’ont plus le droit de poursuivre d’études médicales. Résultat : seulement 10 % du personnel de soin est féminin et elles sont peu nombreuses dans les organisations de secouristes.
Une crise humanitaire est en cours en Afghanistan. Les quelques témoins rapportent que « les soldats ont fait en sorte d’éloigner les journalistes qui cherchaient à recueillir les témoignages des équipes de secouristes arrivés dans les zones reculées frappées par le séisme ». Si le ministère de la Santé afghan a reconnu un manque de personnel de secours féminin, le porte-parole a tenté de camoufler l’ampleur de ce crime sexiste : « Dans les hôpitaux de Kounar, de Nangarhar et de Laghman, les femmes médecins et les infirmières sont mobilisées pour soigner les victimes du séisme ».
Face à une application ultra-rigoriste de la loi islamique, les Afghanes sont loin d’être passives et résistent tant bien que mal. Il y a un an, en septembre 2024, elles organisaient le premier Sommet des femmes afghanes, qui s’est tenu à Tirana en Albanie. Une occasion unique pour sommer les gouvernements étrangers de prendre position. Face au drame qui se joue, l’inertie de la communauté internationale est insupportable pour les femmes afghanes. Après le séisme du 31 août, Susan Ferguson, représentante spéciale d’ONU Femmes en Afghanistan, interpelle dans un communiqué : « Les femmes et les filles seront à nouveau les plus touchées par cette catastrophe, nous devons donc veiller à ce que leurs besoins soient au cœur de la réponse et de l’aide apportée ».
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