Le Parlement européen veut allonger la durée du congé de maternité en Europe. Halte là ! Ça va coûter cher, dit le gouvernement français. Curieuse conception de la richesse. Tous ces bébés qui vont payer les retraites ne mériteraient pas un petit effort de nos finances publiques ? Et quid de leurs mamans qui se heurteront à une hostilité encore plus grande du monde du travail ? Faut-il une grève des ventres pour repenser la richesse ?
« La maternité ne peut pas être considérée comme un fardeau pesant sur les systèmes de sécurité sociale, il s’agit d’un investissement pour notre avenir »… « Un service rendu à la société ». Le message martelé par l’Eurodéputée Edite Estrela, vice-présidente de la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres, n’est pas entendu par le gouvernement français.
1,3 milliards ! Avant même de prendre en considération les arguments en faveur d’un allongement du congé de maternité et de paternité, le chiffre est tombé de la bouche de la ministre de la famille Nadine Morano. 1,3 milliards, c’est ce que coûterait à la France la réforme proposée par le Parlement européen : un congé de maternité allongé à 20 semaines, rémunéré à 100% du salaire et un congé paternité d’au moins deux semaines continues, payées selon des modalités similaires.
L’opposition indifférente
La notion française « d’investissement pour notre avenir » est bien éloignée de celle du Parlement européen. Il y a un an, lorsque la France a décidé de se lancer dans un « grand emprunt » devant assurer les « investissements stratégiques pour l’avenir de notre pays », elle a trouvé 35 milliards d’euros… Entièrement affectés à l’industrie. Une industrie par ailleurs largement subventionnée et qui n’hésite pas à délocaliser et à sacrifier des emplois. Pour « l’avenir de notre pays », aucun investissement pour la construction de crèches ou la lutte contre la pauvreté ou l’illettrisme, .
L’industrie d’abord, toujours. Vieux réflexe hérité des Trente glorieuses et dépassé. Réflexe très masculin. Lorsqu’on se donne la peine d’écouter les femmes comme nous l’avons fait ici, elles suggèrent que l’avenir est dans les services qui vont tirer la croissance. Aujourd’hui les politiques publiques qui leur sont consacrées sont plus que précaires, comme le secteur des services à la personne.
Débat esquivé
Précaire aussi la question de l’allongement du congé de maternité. Encore une fois, le débat sur la petite enfance et la conciliation entre vie familiale et travail est esquivé. Les femmes sont pénalisées parce qu’elles interrompent leurs carrières pour s’occuper des enfants qui demain paieront les grasses retraites de ceux qui refusent l’allongement du congé de maternité aujourd’hui. Elles ont raison de se méfier d’un congé de maternité trop long qui accroîtrait l’hostilité des employeurs à leur endroit.
Le monde du travail est encore organisé comme au temps où seuls les hommes avaient un emploi salarié. Les femmes travaillent et assument la charge de travail que représente un enfant. Rappelons qu’en France, 64 % des bébés de moins de trois ans sont gardés par leur maman qui interrompt son activité professionnelle, avec toutes les conséquences que cela peut avoir en termes d’employabilité, de salaire, de carrière, de retraite. Elles souffrent en silence, avec le sourire, sans même en avoir conscience tant le discours dominant leur impose l’idée que maman est « le plus beau métier du monde ».
Les idées pourtant ne manquent pas. Le laboratoire de l’égalité estime par exemple que l’allongement du congé maternité doit profiter aux pères qui s’impliqueraient davantage dans l’éducation de leurs enfants. Ainsi, hommes et femmes étant susceptibles de s’absenter longtemps à la naissance d’un enfant, les femmes seraient moins discriminées dans l’emploi. Il faudrait aussi redéfinir les modes de garde des enfants. Encore faut-il en débattre au lieu de bloquer sur 1,3 milliards d’euros sans les considérer comme un investissement.
Faut-il une grève des ventres ? Quelles conséquences cela aurait sur notre économie ? Un bon gros coup de canif dans la pyramide des âges serait-il de nature à faire réfléchir nos décideurs ?