Alors que l’Arcom demandait, conformément à la loi, le blocage de sites pornographiques restant accessibles aux mineurs, ces sites obtiennent une médiation. Outre des avocats, ils mobilisent des communicants.
Une médiation ! C’est ce qu’a proposé le tribunal judiciaire de Paris mardi 6 septembre en réponse à la demande de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de bloquer l’accès aux contenus de cinq sites pornographiques en France. L’Arcom avait demandé ce blocage parce que les cinq sites en question (Pornhub, Xhamester, YouPorn, Xvideos et Xnxx) ne se conformaient pas à la loi du 30 juillet 2020 contre les violences conjugales, imposant aux éditeurs de sites pornographiques d’empêcher l’accès des mineurs à leurs contenus.
Mais la très riche et puissante industrie du porno sait écraser toute tentative de régulation sur son passage. Elle cause des ravages énormes en étant accessible aux mineurs qui découvrent et apprennent une sexualité violente. De nombreux faits de « pornocriminalité » sont dénoncés et sont difficilement portés devant la justice : pour réaliser ces vidéos porno, ce sont des scènes réelles de viols et de tortures de femmes et d’enfants qui sont filmées. Mais ces industriels armés des plus grands cabinets d’avocats et de lobbying s’en sortent souvent avec des pirouettes.
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Face à eux, les associations de protection de l’enfance, associations qui luttent contre les violences misogynes et l’Arcom ont du mal à faire le poids. C’est le pot de terre contre le pot de fer.
Les avocats de ces géants du porno utilisent tous les moyens qui sont à leur disposition pour soustraire leurs clients à leurs obligations. Ils jouent la montre. Le 24 mai dernier, les cinq mêmes sociétés et fournisseurs d’accès à Internet (FAI) étaient convoquées au tribunal à la demande de l’Arcom. Mais l’audience n’avait pas eu lieu, les avocats des diffuseurs de porno avaient plaidé le vice de procédure. Les copies des assignations adressées aux FAI n’auraient pas été envoyées à temps au tribunal… Et l’Arcom avait dû tout reprendre à zéro.
Quatre mois plus tard, ce 6 septembre, l’affaire n’a pas davantage pu être examinée au fond, les avocats d’une des sociétés ont trouvé une nouvelle idée : la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) mettant en cause la légitimité de l’Arcom à agir.
Nouveau délai donc : le tribunal doit décider, le 4 octobre de transmettre, ou non, cette QPC à la Cour de cassation. Si ce n’était pas le cas, une nouvelle audience civile serait organisée pour examiner l’affaire au fond.
Sur le papier, le tribunal judiciaire a le pouvoir d’ordonner aux principaux fournisseurs d’accès à Internet d’empêcher l’accès à ces sites en France. Mais les industriels du porno invoquent des difficultés techniques pour bloquer l’accès aux mineurs. Les FAI ont une obligation de protection des données personnelles difficilement compatible avec la détection des mineurs disent-ils…
C’est ce qui a poussé le tribunal a proposer une médiation. « Est-ce qu’on imagine une médiation entre un dealer et un policier ? », s’est offusqué auprès de l’AFP Thomas Rohmer, fondateur d’Open, une des associations de protection de l’enfance qui avait saisi l’Arcom. Tandis que les avocats de l’Arcom déploraient : « La position du régulateur, ce n’est pas d’animer des ateliers pour aider les sites pornographiques à exercer leur activité. »
Le blocage et la régulation de ces sites sont pourtant possible comme l’a dit la sénatrice Laurence Rossignol qui prépare un rapport sur l’industrie de la pornographie. Il existe une plateforme de signalement, Pharos, qui fonctionne très bien pour signaler et sortir très rapidement d’Internet les contenus qui font l’apologie du terrorisme. Mais cette plateforme ne fonctionne pas bien pour lutter contre les violences misogynes.
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Le gouvernement prépare avec l’industrie des télécoms et des associations de protection de l’enfance un système de contrôle parental par défaut sur les smartphones… Ni les FAI, ni les géants du porno n’ont été cités dans ce projet…
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