A peine évoquée sur la scène internationale, la diplomatie féministe s’efface sous la poussée de l’extrême droite. La Suède fait un bond en arrière, d’autres pays, qui n’ont jamais effleuré le concept, s’en éloignent encore.

De Paris à Pékin en passant par Rome ou Stockholm, la politique féministe bat de l’aile. La Suède, pays pionnier, a annoncé mardi 18 octobre, mettre un terme à la « diplomatie féministe » adoptée dans ce pays nordique en 2014.
Pourquoi un tel revirement ? Après huit ans de gauche au pouvoir, la droite, soutenue par l’extrême droite, dirige ce pays scandinave. Le conservateur Ulf Kristersson a été élu premier ministre par le Parlement, avec un soutien influent de l’extrême droite des Démocrates de Suède (SD). C’est la première fois que l’extrême droite fait partie d’une majorité en Suède.
Et, dès la formation du gouvernement, le ministre suédois des Affaires étrangères, Tobias Billström, a annoncé l’enterrement de la diplomatie féministe parce que ce concept a suscité des brouilles diplomatiques, notamment au Moyen-Orient. En 2015, la ministre des Affaires étrangères du gouvernement social-démocrate de l’époque, Margot Wallström, initiatrice de la diplomatie féministe, avait critiqué des Droits des femmes en Arabie Saoudite et froissé le pays qui avait rappelé l’ambassadeur saoudien à Stockholm.
Lire : Margot Wallström, clash diplomatique avec l’Arabie saoudite
Même si Tobias Billström affirme que « L’égalité des genres est une valeur fondamentale en Suède et aussi une valeur fondamentale pour ce gouvernement » il est permis de comprendre qu’elle n’est pas une valeur prioritaire. D’ailleurs, le nouveau gouvernement suédois n’est pas paritaire, il compte 13 hommes et 11 femmes.
La parité ?
D’un autre côté de la planète, la Chine, qui n’a jamais prétendu avoir une diplomatie féministe, voit les femmes s’éclipser du pouvoir, ce qui ne laisse rien augurer de bon.
Pour la première fois en vingt-cinq ans, le Bureau politique, l’instance de décision du Parti communiste chinois (PCC), ne compte aucune femme. A l’issue du 20e congrès qui a reconduit le président Xi Jinping à la tête du parti, et du pays, le nouveau bureau présenté le dimanche 23 octobre compte 24 membres. Sun Chunlan, l’unique femme qui faisait partie de ce groupe auparavant composé de 25 personnes, a pris sa retraite et aucun des nouveaux membres n’est une femme.
Au Comité central, sorte de « parlement » du parti, sur 205 membres, 11 seulement sont des femmes. La part de femmes y est passée de 5,4% à 4,9%, selon la lettre d’information spécialisée Neican China.
Diplomatie sans réserve ?
Retour en Europe. Dimanche 23 octobre à Rome, Emmanuel Macron organisait une rencontre qui se voulait discrète avec la redoutée Première ministre italienne, admiratrice de Mussolini, Giorgia Meloni, qui vient de prendre ses fonctions.
La gauche a sévèrement critiqué le président français. Pas tellement pour avoir rencontré la nouvelle dirigeante. Mais pour n’avoir pas émis de réserves, concourant ainsi à « La banalisation sans frontières de l’extrême droite » comme l’a écrit le Premier secrétaire du parti socialiste Olivier Faure.
Et il n’a manifestement pas été question de diplomatie féministe. Pas de réserve exprimée sur le recul des Droits des femmes qui s’annonce. Pourtant, sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la France avait affiché son engagement à déployer une diplomatie féministe.
Lire : La France revendique une « diplomatie féministe »
La nouvelle Première ministre italienne a déjà envoyé de très mauvais signaux : le gouvernement qu’elle a formé ne compte que six femmes sur 24 ministres. Et aucune n’est à la tête de gros portefeuilles. Surtout, la ministre qui devrait être en charge des Droits des femmes se voit à la tête d’un ministère « de la Famille, de la Natalité et de l’Egalité des chances ». L’intitulé du poste annonce la couleur. Et la ministre qui l’occupe, Eugenia Roccella, effraie les féministes et LGBT autant qu’elle enthousiasme les ultra-conservateurs.
Son parcours vers l’extrême droite fait peur. Fille de l’un des fondateurs d’un parti d’extrême gauche « Partito Radicale », Eugenia Roccella fait partie du Mouvement de libération des femmes dans sa jeunesse. Mais au début des années 1980, elle s’éloigne des mouvements féministes et se rapproche de la droite. En 2007, elle devient porte-parole du Family Day, qui veut défendre la famille traditionnelle avec les associations conservatrices et catholiques et s’oppose à l’extension des droits des homosexuels. Elle a multiplié les déclarations contre la pilule abortive, les unions civiles, la procréation assistée…
La diplomatie féministe avait du mal à trouver sa place. Et ça ne va pas s’arranger avec l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir dans bien des pays.
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