La discrimination salariale est reconnue même entre personnes n’exerçant pas exactement les mêmes fonctions dans l’entreprise. En affirmant cela, la Cour de cassation ouvre des perspectives dans la lutte contre les inégalités entre hommes et femmes au travail.
Madame X, ainsi nommée dans l’arrêt de la Cour de cassation, était directrice des ressources humaines, du juridique et des services généraux. Un poste unique dans son entreprise. Et pourtant, elle s’estimait discriminée… À juste titre, vient de reconnaître la Cour de cassation. Discriminée par rapport à qui ? Par rapport à ses collègues masculins, directeurs chargés de la politique commerciale et des finances de l’entreprise, membres comme elle du comité de direction. Malgré une ancienneté plus importante et un niveau d’études similaire, elle était moins payée que ces autres cadres de l’entreprise.
Son ex-employeur, qui s’est pourvu en cassation, estimait au contraire que Mme X ne devait comparer sa rémunération qu’avec « d’autres salariés placés dans une situation identique ou encore effectuant un travail de valeur égale ». Impossible dans son cas. La Cour de cassation a donc suivi la cour d’appel, et retient une « identité de niveau hiérarchique, de classification, de responsabilité, leur importance comparable dans le fonctionnement de l’entreprise, chacune d’elles exigeant, en outre, des capacités comparables et représentant une charge nerveuse du même ordre ». Et ajoute que la responsable des ressources humaines avait, de surcroît, « plus d’ancienneté et un niveau d’études similaire », mais était pourtant moins payée. Et cela sans que l’employeur apporte la preuve d’éléments étrangers à toute discrimination justifiant cette inégalité.
Une décision de justice qui peut tout changer…
Il aura sans doute fallu beaucoup de courage, de détermination et de patience à Mme X pour faire valoir ce droit élémentaire à l’égalité de traitement entre salariés. Cette croisade juridique aura coûté cher à sa carrière. Mme X a déclenché cette action en justice à la suite d’un licenciement « sans cause réelle et sérieuse ». Et il est toujours compliqué de rebondir professionnellement lors de tels déboires. Mais la jurisprudence créée grâce à elle devrait faire réfléchir les employeurs qui, jusque là, s’abritaient derrière l’argument trop facile des situations rigoureusement identiques en matière de poste, d’ancienneté, de diplôme… Les critères retenus par la Cour de cassation pour prouver la discrimination sont autrement pertinents. Encore faudra-t-il d’autres courageuses madame X pour réclamer les rattrapages de salaire devant la justice et, petit à petit, dissuader les employeur de continuer à pratiquer ces discriminations.
Les petites et grandes victoires juridiques obtenues par les femmes ces derniers mois pourraient faire changer les mentalités et les pratiques plus sûrement que les stériles déclarations du gouvernement.
La Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) tient à jour le suivi des recours qui sont portés à sa connaissance et, le plus souvent, donne raison aux plaignantes… Quand la Halde ne suffit pas pour convaincre les employeurs, la justice prend le relais et, en général, suit les recommandations de la Haute autorité. En mai dernier, par exemple, la Cour d’appel de Paris condamnait la BNP Paribas à verser plus de 350 000 € d’indemnités à une de ses ex-salariées discriminée en raison du sexe, de la grossesse et de la situation de famille.
… à condition que les femmes s’en emparent
Mais les femmes ne sont pas encore assez nombreuses à recourir à la Halde. Cela n’a pas échappé à la nouvelle présidente, Jeannette Bougrab. En prenant ses fonctions, elle a observé que seulement 6% des recours reçus par la Halde concernaient des questions de discrimination liées au sexe, et la moitié d’entre elles provenaient d’hommes se plaignant de discrimination notamment sur les retraites – les femmes ayant élevé trois enfants bénéficiant de compensations auxquelles les hommes n’avaient pas droit. Un comble ! L’ampleur des discriminations salariales (25% de moins pour les femmes) et de carrière dont les femmes sont victimes pouvait laisser penser qu’elles seraient les premières à frapper à la porte de la Halde. Et pourtant, note le site ma vie pro, elles ne se plaignent pas. Comme si ces discriminations étaient acceptées… ou trop difficiles à combattre. Mme X a dû batailler longuement : licenciée en 2002, elle a attendu cet arrêt de la Cour de cassation du 6 juillet 2010 pour que son rattrapage de salaire soit définitivement acquis.
Dès son arrivée à la Halde, Jeannette Bougrab a créé un groupe de travail femmes pour faire avancer la cause. Elle s’est autosaisie du dossier retraites. Mais la Halde est en sursis ; le processus législatif est en cours pour qu’elle soit absorbée, avec d’autres institutions, dans une entité de « Défenseur des droits ».
Spot de la la Halde :
https://www.youtube.com/watch?v=TJaQeZYdJDQ