Après la BD, Peau d’Homme devient une comédie musicale burlesque, imaginée par Léna Bréban, qui se joue actuellement au Théâtre Montparnasse. La metteuse en scène sape les fondations d’une société patriarcale fictive, mais pas si éloignée de notre réalité, avec conviction et beaucoup d’humour. Une adaptation réussie !

Et si vous aviez pu vous glisser dans la peau d’un homme… qu’auriez vous fait ? Si vous étiez une jeune femme de bonne famille dans une Italie fictive de la Renaissance, promise à un homme qu’elle ne connaît pas ? Dans Peau d’Homme de Léna Bréban, qui se joue jusqu’au 31 mai 2025 au Théâtre Montparnasse à Paris, Bianca angoisse de ne pas connaître Giovanni, l’homme avec qui elle va se marier. Ses amies lui rient au nez. C’est bien normal de ne pas connaître l’homme avec qui l’on se marie, lui disent-elles. Mais c’était sans compter qu’une peau d’homme se transmet chez les femmes de la famille de Bianca.
Fluidité de genre
À l’origine, une bande dessinée : Peau d’Homme d’Hubert (scénario) et Zanzim (dessin), parue en 2020. Résolument féministe, l’album reçoit plus d’une quinzaine de prix et de récompenses.
Cinq ans plus tard, les planches de la BD deviennent celles du théâtre, où une joyeuse troupe, guidée par la metteuse en scène Léna Bréban, s’empare de cette histoire aux allures de conte et la transpose en une comédie musicale rythmée par les compositions de Ben Mazué. En tête d’affiche : Laure Calamy, débordante d’énergie, qui passe de Bianca à Lorenzo avec une fluidité désarmante, pour ne faire plus qu’un.
Lorsqu’elle enfile la peau d’homme pour la première fois, Bianca, tenue dans l’ignorance la plus totale de la vie affective et sexuelle, s’extasie devant son nouveau sexe masculin. « C’est quoi ce truc ?! ». Mais être un homme ne se limite pas à son anatomie. Pour devenir Lorenzo, pour devenir un homme, un “vrai”, la jeune femme doit tout apprendre. « Tu dois marcher comme si la terre t’appartenait », lui explique sa marraine qui s’est elle-même glissé dans la peau de Lorenzo dans le passé.

Un nouveau monde, celui des déambulations nocturnes aux côtés de Giovanni, des fêtes dans les tavernes et d’une sexualité libérée, s’ouvre à la jeune femme, devenue Lorenzo. « À l’aventure ! », clame-t-elle/il. Bye bye l’ingénue romantique, Bianca-Lorenzo met à mal les mœurs patriarcales.
Ode à la tolérance
Mais un extrémisme religieux, ultra conservateur, guette cette ville italienne fictive. Le propos de la pièce est terriblement actuel : les femmes sont, littéralement, mises sous cloche pour faire disparaître leur corps, les personnes homosexuelles sont traquées et un mur doit être construit pour “protéger“ les frontières… La metteuse en scène intègre même une phrase du discours d’investiture de Donald Trump, survenue trois jours avant la première de la pièce en janvier 2025. Peau d’Homme devient le miroir grossissant de l’actualité : sexisme, homophobie et fanatisme religieux. Mais avec justesse et, surtout, beaucoup d’humour, la pièce guérit les maux de notre réalité.
Pendant les deux heures de spectacle, ça court, ça bondit, ça se bat, ça crie, ça chante, ça rigole, ça pleure. Tout en tendresse et conviction, Léna Bréban retrace l’odyssée d’être soi dans un monde qui gagnerait à être davantage tolérant.
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