Les violences sexuelles sont en forte hausse chez les jeunes. Sans une puissante éducation à l’égalité, elles devraient s’accroître.
Le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse Pap Ndiaye interviewé par Brut a semblé déterminé avant la rentrée des classes : « Nous devons réactiver très fortement l’éducation à la sexualité. Pour plein de raisons : des raisons d’épanouissement personnel bien sûr, mais aussi des raisons liées à la prévention et à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Une bonne éducation à la sexualité est un bon moyen de prévenir ces formes de violence». Mais il n’a pas annoncé qu’il engagerait des actions et financements à la hauteur de cette immense tâche. A la veille d’une rentrée qui s’annonce compliquée avec un manque criant d’enseignants et de moyens, la question de l’éducation à la sexualité risque encore de passer à la trappe laissant ainsi s’amplifier les violences sexistes et sexuelles.
Alors le Haut Conseil à l’Egalité (HCE) lance un nouvel appel à engager un plan d’urgence de l’égalité à l’école.
Depuis que l’accès au porno est facilité par l’Internet, les jeunes se font de la sexualité une idée très violente. La dernière enquête sur « les Français.e.s et les représentations sur les violences sexuelles » le montrait clairement.
Lire : CONTRE LA CULTURE DU VIOL, DES AMÉLIORATIONS MAIS LE PORNO CASSE LA DYNAMIQUE
Face à ce déferlement d’images, l’éducation à la sexualité enseignée par l’école est famélique. La loi de 2001 (article L312-16 du code de l’éducation) prévoit à peine qu’une « information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles. » Ce qui est très peu mais n’est, le plus souvent, même pas dispensé.
Et ce n’est pas faute d’alerter les gouvernements (voir nos articles mentionnés ci-dessous).
Alors en cette rentrée, le HCE tire à nouveau la sonnette d’alarme : « L’absence d’éducation à la vie sexuelle et affective favorise le sexisme, qui est lui-même l’antichambre des violences. Il faut d’urgence prendre le mal à sa racine chez les jeunes générations », alerte à nouveau Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
L’appel reprend les chiffres très parlants d’un récent rapport du HCE et de son baromètre Sexisme :
– 1 jeune sur 4 déclare avoir déjà eu des rapports sexuels non consentis.
– 1 femme sur 5 de moins de 24 ans a déjà subi un viol ou une agression sexuelle.
– « Le harcèlement sexuel est massif : plus d’1 jeune femme sur 2 a déjà vécu un acte ou un propos sexiste à l’école et a déjà subi des remarques sur son physique ou sa tenue »
– 1 jeune femme sur 5 est victime de pornodivulgation. Et sous pression des réseaux sociaux les 18-34 ans font plus de chirurgie esthétique que la tranche des 50-60 ans. « A ce titre, le HCE recommande de renforcer impérativement la législation sur les contenus retouchés en ligne. »
Côté culture du viol :
– Près d’1 jeune sur 5 considère qu’un homme qui insiste pour avoir un rapport sexuel avec sa conjointe n’est « pas du tout sexiste ».
– Un quart estime que lorsqu’une femme dit « non » pour une relation sexuelle, cela veut dire « oui », selon l’enquête de l’association Mémoire traumatique et victimologie. (citée plus haut)
– Plus d’un tiers des 18-24 ans pensent qu’une femme peut prendre plaisir à être humiliée ou injuriée, et près d’un quart estime qu’elle prend du plaisir à être forcée.
– Forcer sa partenaire à avoir un rapport sexuel alors qu’elle refuse est perçu comme un viol par seulement moins de 3 jeunes hommes sur 5, contre plus de 4 jeunes femmes sur 5.
« Face à cela, l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle brille par son insuffisance et son inadaptation aux besoins » écrit le HCE.
Et ce n’est pas tout ! Parce que les violences sexuelles sont l’aboutissement d’un continuum de violences et de culture patriarcale, le HCE élargit son propos et rappelle que l’école elle-même infuse des stéréotypes et des normes qui seront intériorisés autant par les filles que par les garçons. Dans leurs manuels scolaires, les représentations genrées vont bon train : « ainsi, moins de 10% des textes présentés ont été rédigés par des femmes, et une femme représentée dans une fonction professionnelle au statut ou au prestige supérieur ne représente qu’à peine plus d’1% des illustrations étudiées. »
Le HCE demande de suivre cinq pistes, déjà plusieurs fois évoquées a propos de l’éducation à la sexualité et plus largement de l’éducation à l’égalité :
– Garantir la tenue des enseignements obligatoires à la sexualité, prévus par la loi.
– Adopter un plan national d’orientation professionnelle dès le collège pour orienter les jeunes filles vers les métiers scientifiques, techniques, numériques, et d’avenir.
– Renforcer le combat contre le harcèlement, le cyberharcèlement et les violences en ligne dans tous les établissements.
– Concevoir et mettre en œuvre un plan national visant à assurer la sécurité des jeunes femmes dans la rue.
– Inclure dans les recommandations émanant du conseil national des programmes une obligation de justes représentation et proportion de figures féminines dans les manuels, programmes scolaires et les sujets d’examen.