Les Jeux Olympiques de Paris 2024 s’ouvrent dans quelques jours et autant d’athlètes hommes et femmes y participent. La promesse de la parité a-t-elle été tenue ? Rien n’est moins sûr. Les coachs femmes restent largement minoritaires, exposant ainsi la misogynie persistante dans le milieu sportif.

« Les Jeux Olympiques de Paris 2024 seront les premiers Jeux strictement paritaires de l’Histoire » s’est engagé le Comité international olympique (CIO) en décembre 2020. Résultat : parmi les 10 500 athlètes qualifiées, 5 250 sont des femmes. Parité atteinte.
Les premier JO partiaires
On revient de loin. En 1912, Pierre de Coubertin, fondateur des JO, déclarait : « Impratique, inintéressante, inesthétique, et nous ne craignons pas d’ajouter : incorrecte, telle serait à notre avis cette demi-Olympiade féminine. ». Au fil du temps, le sport dit « féminin » s’est hissé au même niveau que le sport « masculin ». Ou presque : la couverture médiatique des compétitions féminines de football ou de cyclisme, entre autres, commence à peine à s’améliorer. Cela a été rendu possible grâce aux combats de pionnières déterminées, comme Alice Millat, qui s’est battue pour ouvrir les JO aux femmes dans les années 1920.
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À l’approche des JO, les ouvrages rendant hommage aux sportives d’exception se multiplient, apportant ainsi une véritable visibilité à la parité dans le sport. Depuis plus de vingt ans, le ratio d’athlètes féminines lors des JO est en forte croissance : allant de 23 % à Los Angeles en 1984 à 44 % à Londres en 2012 et 48 % jusqu’à Tokyo en 2020.
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Parité sur le terrain… mais pas en coulisses
Mais selon Patrick Clastres, historien du sport et professeur à l’Université de Lausanne, ce n’est que de la poudre aux yeux. « D’autres conditions doivent être remplies pour atteindre une parité olympique digne de ce nom : l’égalité des revenus et de traitement médiatique, la disparition des commentaires misogynes, le soutien au mouvement #metoo au lieu du déni des violences sexuelles dans le sport, la parité de gouvernance. » écrit-il dans sa chronique publiée dans Le Monde.
En effet, la question de la parité se limite aux compétiteurs et compétitrices. Le comité d’organisation des Jeux de Paris, lui, est dirigé par trois hommes. En outre, il n’y aurait que 13% de femmes coaches aux JO-2020 de Tokyo et 10% aux Jeux d’hiver de Pékin en 2022, contre 11% à Rio-2016 et 9% à Pyeongchang-2018. « Un réel fossé de genre existe toujours dans l’entourage des athlètes« , reconnaît le CIO. Si la proportion des JO 2024 n’est pas encore connue, elle ne devrait pas améliorer cette faible moyenne.
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Des hommes entraînent des femmes depuis toujours. Mais que des femmes coachent des hommes, c’est beaucoup plus rare. C’est le résultat d’une cooptation des postes à responsabilités et d’un système de recrutement « via des canaux informels » observe Elizabeth Pike, sociologue à l’Université anglaise de Hertfordshire, dont les propos sont rapportés par l’AFP. Selon la chercheuse, plusieurs obstacles se dressent devant les femmes : « des stéréotypes » sur leurs compétences, « un réseau de soutien limité » et un « manque de flexibilité » sur la conciliation avec les tâches familiales.
Briser le plafond de verre
Quelques exceptions y sont toutefois parvenues. Mais cela ne les immunise pas contre les critiques sexistes. Au contraire, elles deviennent la cible privilégiée lors d’une défaite de l’équipe de joueurs ou de l’athlète masculin qu’elle entraine. Le cas d’Amélie Mauresmo, ex-N.1 mondiale du tennis et entraîneuse d’Andy Murray de 2014 à 2016, illustre la mécanique à l’œuvre. En 2020, le joueur écossait a confié au quotidien suisse Le Temps qu’« avant, c’était toujours moi le problème, et c’est à moi que les critiques étaient adressées en cas de défaite. Avec Amélie, les questions que l’on me posait la plupart du temps si je perdais un match concernaient notre relation. Je n’avais jamais été confronté à cela ».
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Autre exemple : Corinne Diacre, première femme à entraîner une équipe de foot professionnelle masculine – Clermont Ferrand – a, elle aussi, essuyé son lot de critiques sexistes. En 2016, lors d’un match, Jean-Luc Vasseur, entraîneur du Paris FC, lance à l’adjoint de l’entraîneuse : « T’as raison, cache-toi derrière une gonzesse ! ».
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Dans le sport, le sexisme est structurel. Emma Hayes, nouvelle sélectionneuse de l’équipe féminine de football des États-Unis pour les JO et ancienne entraîneuse de Chelsea, en témoigne dans son autobiographie, pré-publiée en partie par The Guardian : « Mes successeurs n’auront pas à subir les conneries auxquelles j’ai dû faire face pendant mes 12 années à la tête de Chelsea. Ils n’auront pas à se battre pour jouer sur un terrain correctement entretenu, se préparer dans des vestiaires décents et s’entraîner dans un gymnase convenablement équipé. » s’indigne-t-elle avant d’ajouter : Nous devons nous poser des questions fondamentales. Pourquoi en est-il ainsi ? Cela n’a rien à voir avec le talent. (…) Au cours de l’année écoulée, je ne me suis jamais sentie aussi épuisée par la quantité de sexisme occasionnel dont j’ai été victime. Plus j’ai gravi les échelons, plus la situation s’est aggravée. ». Elle conclut : « Ce sont des hommes. Je suis désavantagée parce que je suis une femme. Lorsque vous avez grandi et que tout ce que vous avez connu, vu et entendu, ce sont des gens qui vous ressemblent, les attitudes se façonnent en conséquence. Le changement peut être menaçant. ».
En 2022, le CIO a lancé le programme Wish afin d’augmenter le nombre de femmes coachs aux JO. Résultat : 123 techniciennes de 60 nationalités et 22 disciplines différentes ont été formées à la fonction. « Cet événement a suscité un véritable intérêt de la part de toutes les institutions pour ces questions, s’enthousiasmait Béatrice Barbusse, sociologue du sport et du genre et vice-présidente de la Fédération française de handball, en avril dernier alors qu’elle publiait un essai sur le sexisme persistant aux postes de direction du milieu sportif. « Mais je crains que le succès ne retombe une fois les JO terminés, j’en suis même quasi sûre… Mais ce laps de temps aura permis à certaines personnes de se poser des questions, notamment sur les inégalités entre les femmes et les hommes dans le milieu sportif. C’est un premier pas ! ».
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