D’un côté, des chroniqueuses et des médias féministes sortent du paysage. De l’autre, les journaux ultra-conservateurs se renforcent et les algorithmes des réseaux sociaux évincent les féministes… Le paysage médiatique est dessiné avec un regard masculin.
Depuis cette rentrée, les chroniques d’Anne-Cécile Mailfert ont disparu de la grille de FranceInter. La voix de la présidente de la Fondation des femmes ne portera plus de messages féministes, une fois par semaine, sur la radio de service public.
Fin juillet, Rebecca Amsellem, fondatrice de la newsletter Les Glorieuses, annonçait la mise en pause d’une autre Newsletter qu’elle avait lancée : Impact qui s’était « donné pour mission de faire résonner les luttes féministes. « Cette aventure éditoriale a été rendue possible grâce au soutien de la Fondation Gates, dont la subvention prend fin » expliquait-elle.
Le 28 août, nos consœurs de 50-50 magazine ont annoncé la fin de leur activité « face à des difficultés financières et de ressources humaines ». Le journal en ligne qui se définit comme « le magazine de l’égalité femmes-hommes » stoppe net.
Hécatombe
Sur FranceInter encore, l’émission « En marge », de Giulia Foïs, où il était beaucoup question de féminisme, a été supprimée. L’animatrice, évincée après 25 ans dans la maison ronde, a décidé de poursuivre le groupe public Radio France devant les prud’hommes.
Il y a quelques mois, Causette, qui était un des rares journaux féministes à gagner de l’argent, disparaissait. Ses comptes avaient été siphonnés par des dirigeants plus soucieux de s’enrichir que de porter la voix féministe (ils avaient créé une société détenant la marque Causette… à laquelle la société propriétaire du magazine devait verser d’énormes royalties)
Outre cette hécatombe côté médias, d’autre voix féministe très présentes sur les réseaux sociaux et dans la vie économique sont moins audibles : fin juillet, Marie Eloy a annoncé la fin de Bouge ta boîte. L’entrepreneuse engagée, autrice de « Les femmes sauveront-elles le monde? » (Ed Eyrolles) va continuer à s’exprimer dans d’autres tribunes, mais l’arrêt de cette activité pour raison financière amoindrira sa visibilité. Comme Bouge ta boîte, les sociétés qui défendent la place des femmes dans l’économie et la « diversité et l’inclusion » (DEI) souffrent. Le vent de rejet de ces politiques par l’administration Trump souffle jusqu’ici. Et la « gender fatigue » grandit de ce côté-ci de l’Atlantique. (lire : « Gender fatigue » : les dirigeants crient avant d’avoir mal)
L’argent coule à flot pour les idées ultra-conservatrices
L’arrêt de ces voix féministes est d’autant plus préoccupant que les voix des ultra-conservateurs, elles, prennent une ampleur jamais égalée avec de nouveaux acteurs dans la presse et un système médiatique régulé par des algoritmes de plus en plus hostiles au féminisme.
Les grands médias sont entre les mains d’une dizaine d’industriels, de riches hommes pour la plupart. Et ces hommes ne sont pas enclins à défendre une vision féministe du monde. Ils se gardent bien d’éclairer trop fort des actualités qui font progresser la cause des femmes ou pointent des injustices. Pour prendre un exemple récent : ils sont très discrets quand la justice française est condamnée par l’Europe pour mauvais traitement des violences sexuelles (Lire ici)
L’obscurantisme sexiste regagne du terrain grâce à de puissants financeurs de médias et groupes d’extrême droite. A travers son « projet Périclès » (acronyme pour Patriotes, Enracinés, Résistants, Identitaires, Chrétiens, Libéraux, Européens, Souverainistes) le richissime Pierre-Édouard Stérin a décidé d’investir plus de 150 millions d’euros pour « produire », « diffuser » et « promouvoir des idées dans l’espace public » et assurer une victoire idéologique et politique à l’extrême droite et la droite libérale conservatrice en France. Il finance notamment des projets prétendument philanthropiques à tendance anti-avortement.
En outre, le fonctionnement des réseaux sociaux est tel aujourd’hui qu’ils musellent la parole féministe alors que ces mêmes réseaux sociaux lui avait permis de s’exprimer quand ils ont vu le jour. Signalements malveillants et biais algorithmiques boutent le féminisme hors de la Toile. ( lire : Réseaux sociaux : les algorithmes invisibilisent les messages féministes)
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