922
Une nouvelle loi sur l’égalité professionnelle ? Difficile d’y croire. En revanche, si, comme le promet Nadine Morano, le congé parental est réaménagé en incitant les pères à le prendre, si les modes de garde des enfants se développent, la marche vers l’égalité a quelques chances d’avancer.

Les promesses se bousculent sur le front de l’égalité hommes-femmes. L’annonce par Jean-François Copé d’une prochaine loi sur la parité à la tête des entreprises a été suivie vendredi dernier par l’annonce d’une loi sur l’égalité professionnelle initiée par Xavier Darcos, Ministre du travail. Est-ce la solution idéale ?
Le problème, en tout cas est bien réel : 27% d’écart de salaire, moins de 10% de femmes dans les instances dirigeantes des entreprises, plus touchées par le chômage et championnes des emplois précaires, les femmes gonflent les rangs des citoyens les plus pauvres. Et pourtant des lois sur l’égalité professionnelle, il y en a eu ! Rarement appliquées.
Alors pourquoi une nouvelle loi le serait-elle davantage ? En présentant à la presse le projet qu’il compte déposer en 2010, Xavier Darcos, lui-même, a commencé par rappeler que les lois ne fonctionnaient pas. Il en a recensé six depuis 1972. Et ses arguments pour dire que cette fois-ci ce serait la bonne, n’ont pas vraiment convaincu (voir ici ou là). La nouveauté : un système de malus. Ce système existe déjà pour le handicap par exemple et il s’avère que, souvent, les entreprises préfèrent payer plutôt que d’appliquer la loi. Et puis des sanctions, il en existe déjà. La loi sur l’égalité professionnelle de 2001 oblige les entreprises à réaliser un Rapport de situation comparé (RSC) préalable à un accord égalité. Si le chef d’entreprise refuse, il commet un délit d’entrave et encourt des sanctions pénales et financières… Ce qui peut faire trembler un patron. Las. Xavier Darcos a indiqué que 50% des entreprises n’ont jamais réalisé ce RSC, – d’autres statistiques en comptent 72% – et que seulement 5% ont signé des accords d’égalité. Manifestement, les syndicats ne se sont jamais précipités pour faire appliquer ces lois et leurs sanctions.
Congé parental pour les pères aussi
S’il n’y a pas grand-chose à espérer du côté de la loi sur l’égalité professionnelle, c’est dans la politique familiale qu’il devient plus raisonnable de placer ses espoirs. Prenant le relais du Ministre du travail appelé à d’autres réunions, Nadine Morano a assuré que des mesures seraient prises au premier semestre 2010 dès que le Haut conseil à la famille aura terminé son travail. Avec son volontarisme légendaire, la secrétaire d’Etat chargée de la famille et de la solidarité s’engage à agir sur tous les fronts. « La loi sur la parité professionnelle doit s’accompagner de mesures incitant les pères à s’impliquer dans la vie familiale assure-t-elle. Il faut tout mener en parallèle. Nous devons aussi lutter contre les stéréotypes dans les médias et dans l’éducation des enfants. » La ministre a confié jouer au mécano de ses frères et aux billes quand elle était enfant, ce qui lui aurait forgé un tempérament de battante bien plus sûrement que les jeux de filles qui apprennent la passivité et le dévouement aux autres. Elle a fait référence à des expériences suédoises d’éducation volontairement indifférenciée entre filles et garçons. Mais il ne faut pas se contenter de l’enfance. Citant le rapport sur l’image des femmes dans les médias, remis en 2008 à Valérie Létard, alors secrétaire d’Etat à la solidarité, Nadine Morano a considéré qu’il s’agissait d’un sujet aussi important que la loi sur l’égalité professionnelle. Ce rapport montre que les femmes sont peu visibles et stéréotypées. « Ces images stéréotypées qui s’ancrent dans l’inconscient collectif contribuent à figer la place des hommes et des femmes dans la société. » (D’où la création des Nouvelles NEWS, ndlr). Sur ce point, la secrétaire d’Etat n’a pas dit comment elle comptait faire évoluer les choses.
Sur le congé parental, elle s’est fait une idée plus précise lors de son voyage en Suède mi-octobre. Et elle veut aller plus loin que les Suédois eux-mêmes pourtant champions en la matière. Aujourd’hui en France le congé parental est rémunéré 552 euros par mois et seulement 1,8% de ses bénéficiaires sont des hommes. En Suède, il dure seize mois et peut être pris indifféremment par les deux parents, mais chacun doit prendre au moins deux mois sur les seize. L’Etat verse 80% du salaire, dans la limite d’un plafond assez élevé pour inciter les cadres à en bénéficier. « Mais Les Suédois considèrent finalement que deux mois, ce n’est pas assez incitatif, nous ferons mieux » affirme Nadine Morano qui ne veut plus que les femmes soient obligées d’abandonner leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants.
Reste à passer par-dessus les résistances culturelles mais aussi à parler gros sous. Car le congé parental, s‘il rapporte à la collectivité sur le long terme, représente un coût en un premier temps. Hélène Périvier et Dominique Méda dans « Le deuxième âge de l’émancipation préconisent de substituer à l’allocation parentale un congé parental court, de 42 semaines, bien rémunéré (80% du salaire) avec un plafond élevé et partagé entièrement entre le père et la mère. L’ensemble de ce dispositif, coûterait 0,32% de PIB supplémentaire par an en fonctionnement mais contribuerait à améliorer les comptes sociaux. Construire l’égalité requiert plus que des lois jamais appliquées ou des déclarations enflammées. C’est début 2010 que les ministres ont promis de passer des discours aux actes.