L’arrivée d’un enfant creuse les inégalités dans un couple hétérosexuel. Et la séparation avec enfant accentue la charge mentale des mères. Dans la BD La révolte des mères, les autrices mettent la lumière sur ces inégalités à travers leur propre vécu.
Il était une fois… Une femme et un homme tombent amoureux, forment un couple, emménagent ensemble, deviennent propriétaires, ont un enfant et ils vécurent h… jusqu’à ce qu’il la quitte pour une autre. Ce scénario, d’une « affligeante banalité », la scénariste Marguerite Degi et la journaliste Francesca Fattori l’ont toutes les deux vécu. Copines de crèches, ce changement de vie va soudainement les rapprocher. Elles partagent leur parcours de combattantes pour se reconstruire dans leur BD « La révolte des mères. Quand le conte de fées vole en éclat ».
La fin du conte de fées
Loin du refrain « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », 1 couple sur 4 se sépare dans les premiers mois après une naissance. Francesca Fattori était même enceinte de son deuxième enfant lorsque son conjoint lui annonce qu’il la quitte pour une autre femme. Pour les deux autrices de cette BD, la séparation est vécue comme un double deuil : la fin d’une relation amoureuse mais aussi la fin d’un rêve, d’un modèle, celui de l’idéal du couple hétérosexuel, qu’on leur inculque depuis l’enfance à travers des films et des livres qui leur font croire au prince charmant et la famille qui les assaillent d’injonctions à la maternité…
Mille questions se posent alors : comment annoncer la séparation aux enfants ? Comment s’organiser pour la garde ? Faut-il changer de logement ? Ces questions, Marguerite comme Francesca, sont les seules à se les poser. En face, l’ex-conjoint est trop occupé par son travail et sa nouvelle vie. Comme 82% des familles monoparentales, c’est sur les mères que repose la charge mentale et économique de la séparation.

Après la séparation, les inégalités économiques se creusent
« C’est moi ou y a arnaque ? », se questionne Marguerite. Le conte de fées dissimule bien des choses, notamment les inégalités économiques. C’est le constat de cette BD : l’arrivée d’un enfant, puis la séparation, impactent davantage économiquement et professionnellement les femmes que les hommes. Si cette BD retrace deux vécus singuliers, celui des autrices, ils sont loin d’être des exceptions.
À l’arrivée d’un enfant, les inégalités se creusent. Le partage des tâches domestiques, déjà inégal sans enfant, passe de 29h à 34h pour les femmes, contre 20h à 18h pour les hommes, qui parviennent à gagner du temps sur le dos de leur compagne ! Les autrices pointent du doigt l’hypocrisie de cette vague de “supers papas”, applaudis parce qu’ils « aident » la maman. « Derrière tout homme qui assure à peu près à la maison (et donc parfait aux yeux de la société) il y a une femme qui lui prémâche le travail », soulignent les autrices. Il faut dire qu’en France, 96% des bénéficiaires du congé parental sont des femmes. La carrière de monsieur passe avant la leur. Les autrices rapportent que le temps de travail des mères réduit de 31% contre seulement 9% pour les pères, alors même que Francesca gagne plus que son conjoint. Quand Marguerite fait le bilan, les comptes ne sont pas bons : en neuf ans de relation, il a été promu deux fois et elle a perdu deux tiers de son salaire.
Après la séparation, les femmes restent tributaires de cette charge mentale et leur activité professionnelle continue d’en pâtir. Elles, qui ont sacrifié du temps pour que les hommes puissent s’épanouir sur le plan professionnel, se retrouvent souvent démunies. Résultat : 20% des femmes basculent sous le seuil de pauvreté au moment du divorce, contre 9% des hommes. Quand les femmes endossent la charge contraceptive depuis leur jeunesse, puis la charge mentale et économique lorsqu’elles sont en couple, la déresponsabilisation des pères est institutionnalisée.

Face au tourbillon d’émotions de la séparation, cette BD décomplexifie le dédale juridique et éclaire les démarches à suivre pour bénéficier d’aides. Le dessin ludique et coloré d’Audrey Lagadec, illustratrice didactique et scientifique, notamment pour le journal Le Monde, y est pour quelque chose. À la fois personnelle et hyper documentée, cette BD-témoignage-enquête expose un système patriarcal qui appauvrit les femmes, tout en profitant de leur travail gratuit. Pour tous ceux qui voudraient « gâter » les mamans avec des aspirateurs et des fers à repasser en promo à l’occasion de la fête des mères, lisez plutôt cette BD !
La révolte des mères. Quand le conte de fées vole en éclat de Marguerite Degi et Francesca Fattori (scénario) et Audrey Lagadec (dessin). Éd L’Iconoclaste, 233 pages, 24,50€.
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