Quand le gouvernement lance une « coalition contre la haine en ligne », l’extrême droite proteste -sans rire !- au nom de la « liberté d’expression, d’opinion, de conscience ». Les associations féministes, particulièrement visées, rappellent quelques fondamentaux.
Mercredi 9 juillet, Aurore Bergé, ministre de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, annonçait le lancement d’une « coalition contre la haine en ligne »
Cette annonce faisait suite à de nombreuses critiques adressés aux plateformes concernant le respect de leurs engagements en matière de signalement, de modération, de contrôle et de sanction. Des critiques qui se sont intensifiés après l’attentat masculiniste déjoué à Saint-Etienne. Un projet d’attentat motivé par la haine des femmes de la mouvance « incel » qui se propage en ligne.
« Face à la prolifération des contenus appelant à la haine, à l’antisémitisme, au racisme, à l’homophobie, à la pornographie et aux violences à l’encontre des femmes » la ministre a demandé à 12 associations de « bâtir ensemble une grande coalition contre la haine en ligne ». Ces associations vont travailler avec l’Arcom, qui doit s’assurer que les programmes mis à la disposition du public ne contiennent pas d’incitation à la haine ou à la violence. Les plateformes ont, de leur côté des obligations claires de modération des contenus illégaux, notamment en matière de haine en ligne.
Signaler les contenus contraires à la loi
Pour agir plus efficacement, ces associations deviendront « signaleurs de confiance » auprès de l’Arcom et devront alerter les plateformes sur des contenus présumés illégaux. Leurs signalements devant être traités en priorité.
Les 12 associations étant : L’Association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans (ADDAM), SOS Racisme, la LICRA, le CRIF, la Fédération des Centres LGBTI+, SOS Homophobie, Flag !, M’Endors Pas, le Mouvement du Nid, Osez Le Féminisme, le Planning Familial et Respect Zone.
La ministre a aussi annoncé que l’Etat « renforcera les moyens financiers de ces associations pour les aider à agir. » Sans toutefois préciser l’ampleur de ces moyens financiers. La question est pourtant cruciale. Face à la puissance économique des plateformes qui laissent propager des messages de haine, les moyens des associations, et en particulier des associations féministes, pour contrer ces messages, sont faméliques. C’est le pot de terre contre le pot de fer.
Narratif masculiniste
Et c’est précisément ce petit soutien financier qui a fait bondir certains masculinistes bien organisés. Ils ont balancé dans l’opinion des narratifs jouant l’inversion de culpabilité. Un communiqué de presse lunaire a été posté par une association nommée « Groupe d’études sur les sexismes » pour demander à l’Arcom de se « distancier des idéologies ». Elle reproche à l’Arcom de ne pas agir pour protéger les hommes. Et voit dans les associations féministes, membres de la coalition, des « coutumières des contenus misandres et du soutien aux discriminations contre les hommes. » Rien que ça !
Dans le Figaro, l’inénarrable Gilles William Goldnadel choisit, lui, de tirer à boulet rouge sur toutes les associations de la coalition. Pour s’en prendre aux associations féministes, il ressort de vieilles histoires déformées.
Et bien-sûr, dans le magazine d’extrême droite Valeurs Actuelles, trois jours après l’annonce d’Aurore Bergé, neuf député.es RN et UDR ont dégainé une tribune reprochant à la ministre de céder face à « la dictature de groupes de pression ». Ces élu.es ressortent une argumentation que l’on croyait révolue. La lutte contre haine en ligne est un sujet qui, selon eux, « touche gravement aux libertés publiques : d’expression, d’opinion, de conscience ». Dans leur texte, cles député.es s’en prennent aux associations de lutte contre le racisme mais aussi et surtout aux associations féministes qu’ils citent abondamment avec les mêmes obsessions que celles exprimées par G. Goldnadel. Ils reprochent notamment à l’une d’entre elle des chansons « misandres et associant ‘l’extrême droite’ au ‘recul du droit des femmes’ ».
Guerre d’usure
Encore une fois, les féministes ont été obligées de réagir pour tenter d’endiguer ces discours qui se propagent grâce aux riches moyens de communication dont dispose l’extrême droite. Ici encore, c’est le pot de terre contre le pot de fer. L’extrême droite poursuivant sa guerre d’usure contre le féminisme.
Lire : Guerre d’usure contre l’écriture inclusive… et l’égaconditionnalité
Le 22 juillet, l’association Osez le féminisme! (OLF) qui est particulièrement visé par ces attaques a publié un communiqué de presse.
L’association fait œuvre de patience et de pédagogie en démontant longuement les manipulations des neuf député·es d’extrême droite dans un texte intitulé : « Lutter contre la haine en ligne n’est pas une atteinte à la liberté d’expression : c’est un impératif démocratique »
Loin des fantasmes de ces parlementaires, OLF rappelle les faits : « En France, 73 % des femmes ayant une forte activité en ligne déclarent avoir déjà été victimes de cyberviolences sexistes. Les contenus les plus violents, appels au viol, deepfakes pornographiques, partage d’images intimes sans consentement à des fins d’humiliation et de silenciation, circulent librement, sans modération suffisante. Ces violences numériques ne sont ni marginales ni accidentelles. »
Contrairement à ce que veulent faire croire les contestataires d’extrême droite qui se posent en défenseurs de la liberté d’expression, « Les discours de haine ne sont pas des opinions, mais les vecteurs idéologiques de passages à l’acte. À ce titre, ils doivent être traités avec le même sérieux que les autres formes de radicalisation violente. » écrit OLF qui rappelle aussi que « Les contenus haineux en ligne ne relèvent pas de la libre opinion, mais de l’infraction pénale. »
Le communiqué se termine par cet appel : « Nous appelons Madame la Ministre Aurore Bergé à maintenir, renforcer et sécuriser son soutien à la lutte contre la haine en ligne, sans céder face aux tentatives de disqualification idéologique. »
La ministre aurait-elle été tentée de céder aux pressions de l’extrême droite ? « Certainement pas » assure à LesNouvellesNews.fr son entourage. « Aurore Bergé martèle qu’il y a eu désinformation massive par l’extrême droite. La réaction d’Osez le féminisme! est salutaire. » Deux semaines après l’annonce de la coalition, le montant du soutien financier aux associations devant travailler avec l’Arcom n’est pas encore annoncé.
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