Le changement de direction au JDD et la forte concentration de médias entre les mains d’hommes puissants, risquent de couvrir à nouveau la parole féministe. L’infusion du patriarcat dans les esprits va s’intensifier.
La rédaction du Journal du Dimanche, (JDD) est en grève depuis le 24 juin pour s’opposer à la nomination, à sa direction, de Geoffroy Lejeune, ex-directeur de la rédaction du magazine Valeurs actuelles. Depuis, il est beaucoup question du risque de propager davantage encore, dans la société, des idées d’extrême droite et du racisme. Mais il est peu question de sexisme.
Valeurs Actuelles et bien des médias appartenant notamment au groupe Vivendi ne se contentent pas d’infuser des stéréotypes et des idées sexistes, ils attaquent frontalement, ou de façon hypocrite, les féministes pour les faire taire. A tel point qu’elles préfèrent renoncer à s’exprimer dans ces médias. Ce qui laisse le champ libre aux idées les plus réactionnaires.
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La perspective de voir l’ex-directeur de Valeurs Actuelles, soutien du candidat d’extrême droite Éric Zemmour à la présidentielle de 2022, prendre la tête d’un journal aussi influent que le JDD a de quoi inquiéter. Le magazine qu’il vient de quitter attaque régulièrement les féministes.
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Le groupe Vivendi, détenu par le milliardaire Vincent Bolloré, met la main sur un nombre croissant de médias et leur fait prendre un virage très serré vers la droite extrême. Le JDD est tombé dans son escarcelle au sein du groupe Lagardère, qui compte aussi Paris Match et la radio Europe 1. Ces prises de guerre s’ajoutent au groupe Canal +, à CNews et C8 (avec Cyril Hanouna comme animateur vedette). Le milliardaire breton a aussi mis la main sur le groupe de presse magazine Prisma (Capital, Voici, Femme Actuelle, Géo…)
Et l’on ne compte plus les saillies misogynes de beaucoup de ces médias. Certaines ont fait l’objet de signalements voire de sanctions par le CSA devenu Arcom, d’autres non (voir plus bas).
A côté de Vincent Bolloré, les actionnaires des plus grands médias français sont tous des hommes. Bernard Arnault, le patron de LVMH, finance Les Echos, le Parisien / Aujourd’hui en France et Radio Classique. Il détiendrait aussi 40% de Challenges, et financerait le quotidien libéral L’Opinion et Slate.fr. Xavier Niel, patron de Free, détient une grande part du capital du groupe Le Monde qui compte, outre le quotidien de référence, Télérama, La Vie, Courrier international, à quoi s’est ajouté l’Obs. Il a aussi des participations minoritaires dans Les Jours, La Provence, Mediapart et nombre de « pure players » – journaux en ligne nés dans les années 2008/2009 (NDLR : Mais pas LesNouvellesNews.fr). Martin Bouygues détient TF1 et LCI. Patrick Drahi, via Altice, détient BFM TV, RMC et Libération. Le groupe Dassault détient le Figaro. Et un nouvel acteur est entré dans ce cercle en 2018 : Daniel Kretinsky, milliardaire tchèque, à la tête d’un puissant groupe énergétique et de médias dans son pays. Il a racheté les magazines du groupe Lagardère (dont Elle), Marianne et des parts dans Le Monde et dans le groupe TF1. Tous ces médias ne sont pas d’extrême droite mais tous appartiennent à des hommes.
Solidarité gouvernementale à géométrie variable
Les conséquences de la concentration de médias entre les mains de Vincent Bolloré ne semblent pas émouvoir le gouvernement à l’exception du ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye qui est la cible d’attaques innommables depuis qu’il a affiché clairement son soutien à la rédaction du JDD sur radio J, en affirmant que la chaîne CNews était devenue « clairement d’extrême droite », tout comme Europe 1. « Je comprends bien qu’ils ne veulent pas entrer dans la galaxie des publications ou des médias contrôlés par un personnage manifestement très proche de l’extrême droite la plus radicale » a-t-il dit.
Et, Pap Ndiaye n’est pas soutenu par le gouvernement. Comme l’a fait remarquer la sénatrice Laurence Rossignol, la solidarité gouvernementale a fonctionné quand il a fallu défendre des ministres accusés d’agressions sexuelles comme Nicolas Hulot ou Damien Abbad mais pour soutenir un ministre attaqué par l’extrême droite chacun regarde ses chaussures. Aucun membre du gouvernement ne veut se mouiller quand Le Monde demande qui soutient Pap Ndiaye. Sur Europe1, Stanislas Guérini, ministre de la Fonction publique, s’est adonné à un dangereux exercice d’équilibriste affirmant : « Si je pensais qu’Europe1 est une radio d’extrême droite, je ne serais pas venu à votre antenne ce matin » tout en disant soutenir les journalistes du JDD. Le 12 juillet, lors d’une rencontre avec les syndicats, la Première ministre, Elisabeth Borne a affirmé qu’ « il n’appartient pas au gouvernement d’interférer dans la gestion des médias, quels qu’ils soient ». Elle attend « les conclusions » d’une mission parlementaire d’évaluation de la loi Bloche de 2016 qui vise à renforcer l’indépendance des médias.
En attendant, Vincent Bolloré avance au JDD comme il l’a fait à CNews ou à Europe1 où peu de temps après son arrivée, les équipes de rédaction ont été transformées. L’indépendance et le pluralisme des médias sont en péril, ce qui laisse peu d’espoir de faire entendre la parole féministe dans le bruit des médias de masse dirigés par une poignée d’hommes riches et puissants.
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