Le tribunal administratif de Paris a condamné l’État pour manquements à l’éducation à la sexualité à l’école. Une victoire pour les associations, qui alertent cependant : sans moyens, le nouveau programme risque de rester lettre morte.
L’Etat a été reconnu coupable de « carence fautive » par le tribunal administratif de Paris, mardi 2 décembre, pour avoir manqué à ses obligations en matière d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) à l’école.
Pendant plus de deux décennies, l’enseignement obligatoire de l’éducation à la vie affective et sexuelle (EVARS) « n’a pas été assurée de façon systématique dans les écoles, collèges et lycées conformément aux prescriptions du législateur » écrit le Tribunal.
Des enseignements pour lutter contre les violences sexuelles
La loi du 4 juillet 2001 (article L.312-16 du Code de l’éducation) prévoit que chaque élève, de l’école primaire au lycée, bénéficie au moins de trois séances par an sur la vie affective, la sexualité, le respect du corps, le consentement, l’égalité filles-garçons, la prévention des violences sexuelles et des discriminations. Ces enseignements doivent présenter « une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes », « l’apprentissage du respect dû au corps humain » et sensibiliser « aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu’aux mutilations sexuelles féminines »
Mais l’Etat n’a pas respecté cette obligation. 17% des 15-24 ans déclaraient n’avoir jamais bénéficié d’une seule séance lors de leur scolarité en 2023. Alors, après des années d’alertes, de rapports de terrain ou de témoignages d’élèves, le Planning Familial, Sidaction et SOS Homophobie ont porté l’affaire devant la justice.
Lire : Education à la sexualité : une action en justice pour que l’Etat respecte la loi.
Obstacles politiques
Pour sa défense, le ministère a expliqué cette carence par « la sensibilité du sujet et les controverses qu’il suscite ». De fait, les opposants à l’éducation à la sexualité sont féroces. (Lire notamment : Les dérangés du genre sur les chapeaux de roue). Mais, note le tribunal, les « obstacles allégués » ne sont pas de nature à « exonérer l’Etat de sa responsabilité ».
Le tribunal reconnaît les manquements de l’Etat, ainsi que le préjudice moral des associations requérantes à qui il accorde un euro de réparation symbolique. Mais il estime que cette situation est désormais résolue avec la mise en place, en février 2025, du premier programme des séances EVARS.
Selon le tribunal, l’Etat a pris des mesures « propres à assurer la mise en œuvre effective » de sa mission d’information et d’éducation à la sexualité.
Une carence corrigée ?
Pour le collectif à l’origine du recours, la condamnation de l’Etat est « une victoire majeure ». Mais les associations et certains responsables politiques déplorent que le tribunal n’impose aucune obligation de suivi, de contrôle ou de sanctions en cas de nouveau manquement. Elles redoutent que, sans moyens concrets (formation des enseignants, financement, suivi), le nouveau programme reste lettre morte.
Sarah Durocher, coprésidente du Planning familial, salue « une reconnaissance enfin officielle de 24 ans de manquements », tout en rappelant que « sans moyens humains et financiers, l’obligation restera théorique ». Sidaction, déplore que l’absence d’éducation à la sexualité renforce les inégalités d’accès à la prévention. La députée écologiste Marie-Charlotte Garin appelle à « un plan national d’urgence », tandis que des élus de la majorité reconnaissent « un retard historique » mais se retranchent derrière la mise en œuvre progressive du nouveau programme EVARS.
À droite, la résistance est toujours là. Certains dénoncent un « alourdissement idéologique » de l’école…
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